En quoi le fait de mener des campagnes d'influence dans le secteur des bébés/famille diffère-t-il d’autres secteurs ?
Les critères de sélection dépendent donc de l'étape de la vie à laquelle se trouve l'influenceur. Il peut s'agir d'une femme enceinte ou en post-partum, d'un parent d'un très jeune enfant qui débute la diversification alimentaire ou d'un enfant déjà un peu autonome. Il faut toucher la bonne tranche d'âge en fonction des besoins de la marque.
Il faut être vraiment conscient [de ce qui se passe dans leur vie] parce qu'un KOL peut avoir une idée de la parentalité, mais la réalité peut s'avérer au final différente. Par exemple avoir exprimé le désir d'allaiter, mais abandonner l'allaitement au bout d'une semaine après accouchement. Ou inversement.
Il y a beaucoup d'instantanéité dans notre processus de sélection des influenceurs. Il faut s'intéresser de près à la personne. Il ne faut pas mettre les pieds dans le plat, car cette période de la vie est ultra-sensible et très personnelle. Il y a beaucoup de restrictions [sur ce que vous pouvez faire]. Il faut s'assurer que le message est totalement crédible et que le produit est parfaitement adapté au bébé. Pour quelqu'un qui n'est pas parent, un biberon n'est qu'un biberon. Or, et c'est ce qui fait l'intérêt de nos campagnes, il y a beaucoup de critères qui déterminent en quoi tel biberon sera compatible avec le développement de l'enfant.
Est-il possible de travailler à long terme avec des influenceurs lorsque la durée pendant laquelle un enfant a besoin d'un produit particulier est souvent limitée ?
C'est un défi de taille de trouver les bons profils dans un laps de temps donné et de les fidéliser par la suite. Les marques de ce secteur ont besoin d'un budget assez important, car le recrutement est toujours en cours. Nous sommes toujours à la recherche de nouveaux talents et il y a beaucoup de concurrence [pour séduire les KOLs].
Plus les marques sont présentes sur les réseaux sociaux, plus elles acquièrent une bonne réputation quant à la manière dont elles organisent leurs campagnes, en traitant bien les KOL, en faisant preuve de professionnalisme, etc. C'est important et plus cela peut faire la différence entre l'acceptation rapide ou non de votre campagne par l'influenceur.
Nous parvenons à les fidéliser et à travailler sur le moyen terme, quand certaines influenceurs tombent enceintes d'un nouvel enfant, par exemple. Enfin, la fidélisation sur le long-terme dépend si la marque elle-même a plusieurs produits dans son portefeuille pour accompagner le développement de l'enfant ou les besoins de la famille.
Certaines plateformes sont-elles plus adaptées que d'autres à ce secteur ?
TikTok a été une révélation. Nous sommes dans notre troisième année sur TikTok et c'est un énorme succès. Notre compte @mumtobeparty a immédiatement décollé auprès de notre public cible, les mères de famille. Sur nos campagnes orchestrées en tant qu'agence, nous avons d'excellents retours et un contenu de qualité.
Nous avons remarqué l'émergence de profils vraiment intéressants, et beaucoup plus de conversations que sur Instagram. Il y a beaucoup de contenu en direct sur TikTok autour de la grossesse. C'est un réseau social très simple comparé à Instagram. Il n'y a pas de filtre.
Mais les marques hésitent à investir dans TikTok parce qu'elles pensent qu'elles vont toucher un public cible adolescent, qu'il ne s'agit que de danse et de divertissement. C'est une mauvaise compréhension de ce qu'est TikTok. En ce qui concerne les mamans, les soins de la peau et la santé, il est clair qu'il y a de la place pour des contenus éducatifs et percutants à côté des contenus très drôles et viraux sur TikTok. Il y a de la place pour tout le monde, pour tous les âges, tous les sujets et toutes les méthodes de communication.
Comment voyez-vous l'évolution de la rémunération des influenceurs dans ce secteur ?
Je pense que c'est assez raisonnable. Ces personnes ont travaillé dur pour développer leurs communautés. Ce qui se passe sur le "dark social" est très important. Les gens prennent le temps de répondre aux questions de leur communauté et d'offrir des conseils. Ces conversations ne sont peut-être pas visibles sur les posts parce qu'elles se déroulent en DM, mais elles prennent énormément de temps. Tant que les influenceurs font le travail pour développer leur communauté et la fidéliser [les prix sont justifiés]. Nous pouvons également constater que la qualité du contenu s'améliore et que le secteur se professionnalise. Les influenceurs travaillent avec des agents de talent, ce qui contribue également à faire grimper les prix.
Les conversations entre les influenceurs et leurs communautés ont-elles plus de poids dans le secteur des bébés/enfants que dans d'autres ?
Les chaînes Instagram alimentent la tendance "dark social". Les followers recherchent des conversations sur des sujets très spécifiques et suivent les influenceurs parce qu'ils ont quelque chose en commun avec eux. [Dans ce secteur] il peut s'agir d'un bébé qui ne fait pas ses nuits ou qui a des coliques. Les influenceurs deviennent de véritables confidents ou conseillers. Ces conversations offrent un espace de discussion intime, un espace un peu exclusif, où la personne se sent écoutée. Ce n'est pas public, donc il est plus facile [pour les fans] de s'exprimer. Il y a une forte tendance vers les conversations, et c'est un grand défi pour les marques de savoir comment mesurer l'impact de ces conversations qui ne sont ni visibles ni trackées.
Quel a été l'impact de la nouvelle loi française sur le marketing d'influence sur le secteur ?
Le secteur était déjà réglementé, mais qui connaît le décret ? C'est bien là le problème. La tendance est aux marques souhaitant travailler avec des nano et micro influenceurs, qui ne sont pas des professionnels de la communication. Ils ne connaissent pas la loi, que ce soit en termes de droit à l'image, de droit d'auteur, ou d'obligation pour les enfants [en France] d'être inscrits dans des agences de mannequins. La loi a le mérite d'encourager tout le monde à soutenir les influenceurs et à faire connaître le cadre juridique, mais elle manque de clarté sur de nombreux points.
Il y a un long chemin à parcourir avant que les gens sachent ce qu'ils doivent faire. Il y a beaucoup d'administration et les influenceurs sont souvent livrés à eux-mêmes. La profession doit renforcer son expertise sur ces sujets. C'est très simple d'ouvrir un compte Instagram, ça paraît simple d'entretenir une communauté, mais après, la légalité par rapport à l'enfant l'est moins.
Pour finir, il y a un long chemin à parcourir avant que tous les KOL sachent ce qu'ils doivent faire.
Les audiences deviennent plus exigeantes envers les influenceurs de manière générale ; comment cela se traduit-il dans le secteur bébé/enfant ?
Il est vrai que la pression exercée sur les influenceurs pour qu'ils produisent continuellement du contenu est générale, elle n'est pas spécifique à ce secteur. Mais il y a beaucoup de restrictions dans le secteur de la parentalité. Vous devez montrer que vous êtes un bon parent, ou un parent imparfait. Le public peut être très bienveillant et solidaire, mais il peut aussi être très cruel. Si une femme retrouve son physique très rapidement après l'accouchement, ou si elle ne le retrouve pas, wow, elle reçoit beaucoup de remarques. Les influenceurs de ce secteur sont constamment jugés sur leur apparence et leurs choix parentaux, c'est une pression incroyable ! Cela signifie en tant qu'agence d'être capable d'anticiper la controverse. On ne peut pas dire et faire n'importe quoi. Il faut s'entourer d'experts pour vérifier et anticiper. On est sur des sujets très sensibles, où les abonné(e)s réagissent très vite. La prudence caractérise beaucoup ce secteur.